Ivan ZARUBIN

Al Caïda – le bras de Moscou?

Une tentative d'analyse informelle des actes terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis,
derrière lesquels dans l'ombre
on peut distinctement voir le profil des services secrets russes

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 La règle d'or dans la criminologie c'est le principe de recherche de motifs des actes délictuels, surtout lorsqu'il s'agît d'une enquête complexe. Regardez à qui profite le crime, et vous trouverez le coupable et l'exécuteur, sinon son instigateur ou même le commanditaire. Si l'on analyse de ce point de vue-là les actes terroristes du 11 septembre aux USA, on arrive à des conclusions qui pourraient paraître complètement fantastiques, c'est à dire à une quasi certitude que derrière les attaques suicides des avions de lignes sur les tours jumelles de Manhattan et sur le site du Pentagone on peut distinguer non seulement un intérêt global de l'administration américaine, mais également une "piste" russe bien palpable. Et ceci, parce que parmi les principaux bénéficiaires du changement global de la situation internationale après ces crimes on peut compter le Président Bush, les services secrets et le complexe militaro-industriel américains, mais aussi et surtout le régime autoritaire poutiniste avec les services secrets russes. Et la probabilité de la participation de ces derniers à la préparation des attentats est nettement supérieure à celle de leurs homologues américains.

Nous imaginons quel tollé va soulever une telle hypothèse chez nos "patriotes", les partisans de l'Etat et les officiels du régime actuel en Russie. Mais il faudrait se souvenir de l'exemple du célèbre Sherlock Holmes. Lorsqu'il annonçait seulement l'idée du début et tout de suite après ses conclusions définitives, le plus souvent cela choquait profondément ses interlocuteurs novices. Néanmoins quand il démontrait toute la succession de déductions qui l'avaient inexorablement amené à une certaine conclusion, cela paraissait évident à n'importe quelle personne. Elémentaire, mon cher Watson! Calmons-nous donc et essayons d'en faire autant.

Tout d'abord, il faudrait examiner attentivement la situation internationale avant et après ces attentats qui sont attribués d'une façon un peu trop arbitraire et expéditive principalement à l'organisation musulmane extrémiste Al Caïda et concrètement à son leader, le milliardaire saoudien Ben-Laden. Là, nous voyons déjà la première bizarrerie. Car, comme par hasard, c'est justement le "pauvre" Oussama qui est le seul à ne rien avoir tiré de ces crimes, sauf une notoriété mondiale en tant que l'ennemi public numéro 1 de toute l'humanité civilisée. A l'heure actuelle, soufrant terriblement d'une insuffisance rénale, chassé de ses palaces orientaux, le leader des bandits a vu tous ses comptes avoir été bloqués, a perdu le confort et le calme de la vie. Il est victime d'une impitoyable chasse à l'homme, pour laquelle la notoriété excessive serait plutôt un handicap qu'un avantage. Ce n'est pas très logique, tout ça. Mais continuons.

Vous attaquerez-vous au pays dans les banques et en devise duquel sont déposées toutes vos richesses? Et il ne s'agît pas de quelques misérables kopecks, mais bel et bien des milliards de dollars américains. Pour commettre un tel acte suicidaire il faut être complètement débile, et les débiles ne deviennent jamais milliardaires. Là aussi il y a un problème avec la logique. Pour planifier de pareils actes terroristes au contraire il fallait avoir un détachement total de leurs conséquences matérielles, toute rupture avec la réalité financière. Et il fallait avoir un esprit machiavélique très malsain, cynique et glacial. Tiens, il nous semble avoir connu un tel esprit déjà quelque part.

Nous vous proposons de remonter le temps et de revenir en Russie d'il y a deux ans où en août 1999 un coup d'Etat satiné a eu lieu. Le président Eltsine très gravement malade aurait choisi comme son dauphin officiel un certain Vladimir Poutine, Directeur du Service fédéral de sécurité et de contre-espionnage (le FSB), un parfait inconnu, incolore et insignifiant, un provincial originaire de Léningrad, qui s'est vu donc nommer comme le nouveau Premier ministre de Russie. Avant cette ascension fulgurante, cet ancien  lieutenant-colonel du KGB s'est distingué uniquement dans un cercle étroit des kremlinologues qui ont remarqué qu'avec son arrivée à la tête du FSB avait eu lieu un accroissement considérable des procès, fabriqués de toutes pièces par les tchékistes, contre les prétendus "espions", presque comme aux temps de Staline.

En revanche, le seul scandale public dans lequel avait pris personnellement part le Big Boss du contre-espionnage russe c'était la sale histoire d'une cassette porno, filmée pour le moins d'une manière très douteuse par la caméra cachée du FSB et diffusée au prime-time par la télévision nationale d'Etat, ce qui avait eu pour conséquences la démission du Procureur général Skouratov. C'est à cette occasion-là que le tchékiste Poutine, "juriste" de formation, avait démontré au grand public un dédain ahurissant des normes procédurières et de la présomption d'innocence, en traitant publiquement dans une interview télévisée de criminel une personne qui n'avait pas encore été jugée et reconnue coupable par une Cour.

Si l'on fait abstraction du côté étique et de la présentation un peu choquante de la fameuse cassette, du point de vue purement juridique aucune charge finalement n'a pas été retenue contre Skouratov. Les protagonistes du film étant consentants et majeurs, l'affaire, si l'affaire il en y a eu, se limitait à un simple adultère qui n'est pas réprimable par la loi russe. Il était curieux, en quoi ce cas privé assez banal pourrait concerner le Directeur du FSB en personne. Il est tout aussi curieux pourquoi Skouratov n'a pas assigné devant les tribunaux pour diffamation et ingérence dans sa vie privée ce Poutine qui l'avait publiquement insulté et humilié. Mais ce petit cas en dit déjà assez sur ce curieux personnage d'ancien kaguébiste qui arrivait à la tête de l'exécutif russe.

Parmi les premières entreprises globales du nouveau dauphin de Eltsine, après sa nomination extraordinaire au poste du Premier ministre, on peut citer le déclanchement presque immédiat d'une deuxième guerre en Tchétchénie se servant d'une très suspecte provocation militaire au Daghestan. Dès le début de cette aventure hasardeuse, il était évident à tout expert sérieux de la guérilla et des opérations de subversion qu'un détachement de guérilleros séparatistes, lourdement armés et nombreux, n'aurait jamais physiquement pu faire un saut de plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres de Tchétchénie vers la république voisine, en passant à travers les filets d'innombrables barrages de contrôles existant sur toutes les routes d'un territoire très bien gardé s'il n'y avait pas eu une complicité directe des forces fédérales (le FSB, le Ministère de l'intérieur, l'armée, les gardes frontières).

Et même si l'on trouve encore des incrédules pour y croire en un pareil "concours de circonstances" (tout compte fait, ces tchétchènes avaient l'avantage de la surprise), il était absolument impossible que ce vaillant commando "wahhabite" puisse miraculeusement s'échapper ensuite de la terrible embuscade qui s'en est suivi, sans laisser aucune trace de blessés, de morts ou de matériel de combat, puisqu'il était soit disant encerclé par les forces fédérales qui s'apprêtaient à l'anéantir. C'était tout simplement impossible sans un accord secret avec Moscou. Et comme il n'y a pas eu par la suite aucune enquête ni procès pour une complicité ou trahison dans le camp des fédéraux, tout au moins on n'en sait rien, cela nous donne le droit de supposer et même d'affirmer que toute cette histoire était une provocation planifiée par le Kremlin. Voilà où l'on trouve cet esprit particulier du KGB, cynique et malsain, qui pourrait rendre un grand service à l'organisateur des actes terroristes du 11 septembre 2001 aux USA. Et les "exploits" des services secrets poutinistes ne s'arrêtent pas là.

Quelques jours plus tard (comme par hasard, également en septembre) il y a eu dans plusieurs villes russes, dont la capitale Moscou, des explosions criminelles des immeubles civils qui avaient crée une terrible atmosphère de peur chez la population qui a commencé, dans une crise d'hystérie collective raciste, réclamer au pouvoir la poursuite pénale de tous les "caucasiens" sans exception et la mise en place globale des mesures policières musclées partout dans le pays. Pour planifier tout ceci il fallait également avoir un esprit ingénieux et pervers. Bien évidemment Aslan Maskhadov, le Président de la Tchétchénie n'en avait pas. Tous les gens qui le connaissent vous le confirmeront.

Déjà en septembre 1999 un nombre assez important d'experts sérieux ont affirmé que derrière l'aventure au Daghestan et les explosions terroristes en Russie européenne se distinguait très distinctement l'ombre des services secrets officiels de Poutine. Non seulement parce que il y avait des pistes criminelles et indices matériels, qui corroboraient parfaitement cette version, mais aussi à cause de la règle d'or de motivation. Les résultats politiques directes et les conséquences indirectes qui ont résulté de ces actes "terroristes", étaient sans aucun doute nettement plus favorables à Poutine qu'à la direction tchétchène qui était sensée être leur principale bénéficiaire (tout comme Ben-Laden dans les attentats du 11 septembre 2001). Par un seul coup répugnant ont été atteints deux buts concomitants: la psychose en Russie déliait complètement les mains à Poutine et aux faucons des services spéciaux russes, tout en compromettant à tout jamais la direction légale modérée tchétchène, ayant à sa tête le Président Maskhadov élu précédemment au suffrage universel, qui voulait un règlement politique amiable du conflit avec la Russie.

Dans les milieux wahhabites une aggravation aussi sérieuse de la situation en Tchétchénie aurait pu profiter uniquement à des bandits sans vergogne du style du fameux arabe "Khottabe" qui vivaient sur les dollars des mouvements islamiques extrémistes internationaux ou sur le sale partage du marché criminel caucasien avec les militaires corrompus dans le camp des fédéraux, de ces ripoux gagnant des étoiles sur les épaulettes et les "bucks" sur le sang, les attaques à main armée, sur le trafic des esclaves et du pétrole, le détournement massif de l'argent du budget russe. Il y a eu une autre "piste", soit disant des séparatistes du Tatarstan de la ville de Nabérejniyé Tchelni, qui faisait aussi penser à une version de la provocation tchékiste. Et là aussi il fallait avoir un esprit mal tourné, machiavélique.

La présentation même de cette deuxième guerre en Tchétchénie comme d'une "opération limitée antiterroriste" était une trouvaille poutiniste. Des concepteurs idéologiques d'une telle version ne pouvaient se trouver chez les militaires. Les dents de loup du KGB se profilaient dans la bouche de cette prétendue babouchka toute douce du régime de Poutine qui voulait endormir la vigilance du petit Chaperon rouge d'opinion publique. Pour justifier une opération pareille de "représailles légitimes" il fallait avoir comme un prétexte officiel les prétendus "attentats terroristes des caucasiens" contre les civils dans le cœur même de la Russie profonde. Lorsqu'on se rend compte jusqu'à quelles provocations puisse s'abaisser le régime poutinien, les vieilles ombres de l'attentat de Sarajevo contre l'archiduc François Ferdinand qui avait fait éclater la Première guerre mondiale, de l'incendie du Reichstag ou encore de Staline avec la tristement célèbre exécution costumée des officiers polonais se désignent sur l'horizon russe.

La prétendue "piste tchétchène" a été trop rapidement et arbitrairement prise comme version principale des crimes par la propagande officielle de Poutine et par les enquêteurs. Seulement, avec une rapidité étonnante les preuves matérielles et les indices sur les lieux des crimes ont été déblayés, rasés par la dynamite et les bulldozers quelques heures après les attentats. Il est bien de savoir que les américains, par exemple, après les explosions à Oklahoma avaient mis cinq ans à trier méticuleusement les vestiges et ont fini par trouver les infimes indices qui avaient permis d'arrêter les coupables. En Russie cela ressemblait trop à une volonté des autorités officielles de faire justement le contraire, comme pour éliminer toute trace exploitable. On sentait que la recherche des commanditaires et des exécutants de ces attentats était le dernier des soucis de la justice russe. Il était évident que ces crimes ne servaient que d'un prétexte pour une "réponse" musclée. A la fin, il y a eu une histoire tragicomique des "manœuvres" du FSB à Riazan où les agents du service fédéral de contre-espionnage ont été carrément pris par la police locale en flagrant délit de dépôt d'explosifs dans un sous-sol d'immeuble civil.

En 2001 l'hebdomadaire russe "Novaya gazéta" a publié les extraits du livre dans lequel les policiers et les anciens agents secrets du FSB avaient directement accusé leurs collègues des services secrets russes d'avoir organisé et perpétré ces attentats monstrueux en 1999 en Russie. Cette accusation a été soutenue également par Boris Bérézovsky, exilé en Occident. Il est curieux que le Directeur du FSB en personne Monsieur Patrouchev se soit immédiatement joint à la campagne de dénigrement et de traque de Bérézovsky en l'accusant du financement des "terroristes" tchétchènes, en faisait de lui un Ben-Laden russe. Cela ressemblait trop à une tactique de détournement d'attention sur un faux objectif selon laquelle c'est précisément le voleur qui a tout intérêt de crier "Au voleur!" Car cette prétendue réaction farouche et "légitime" des officiels du régime poutinien est venue avec beaucoup de retard et uniquement après les menaces publiques proférées par Bérézovsky de publier en Occidents les preuves documentaires irréfutables de la véridicité de ses accusations contre les services secrets russes.

La tartufferie du réquisitoire de Patrouchev contre Bérézovsky était tellement pitoyable et puait à tel point les anciennes méthodes du KGB que cela prouvait par la même occasion la justesse des propos tenus par l'ancien secrétaire adjoint du Conseil de sécurité nationale de la Russie. Dans ce cas précis on a vu, une fois de plus, l'étrange utilité du personnage de Ben-Laden aux officiels russes pour compromettre tous ceux qui ne leur plaisaient pas. Oussama est devenu un remède miracle pour le régime de Poutine. Lorsque quelqu'un le gênait, il suffisait de ressortir le nom de l'ennemi public mondial numéro 1 pour qu'une personne gênante soit compromise. Au moins, c'est ce que pensaient les officiels russes. A force de rapporter tout et partout à Ben-Laden, ils ont fini par accuser au début de 2002 les géorgiens de le cacher dans la très controversée vallée de Pankissi en menaçant Chevardnadze d'une opération musclée à l'américaine après quoi le secrétaire à la sécurité nationale de la Géorgie s'est tiré une balle dans la tête et un scandale international a éclaté (sans tomber dans le macabre, il faut retenir que les géorgiens ont prouvé leur sens de l'humour lorsqu'en réponse aux remarques russes désobligeantes, ils ont conseillé au Ministre russe des affaires étrangères de chercher Ben-Laden d'abord dans la maison de sa propre mère, comme par hasard, originaire de la vallée en question). C'est justement cette facilité avec laquelle les russes se servent du nom de Ben-Laden pour accuser tout le monde, qui devrait faire réfléchir et suspecter qu'il ne soit pas venu à l'arène internationale tout seul et gratuitement. On va y revenir encore à cette utilité suspecte pour tout le monde de Ben-Laden.

En ce qui concerne les attentats bizarres en Russie en septembre 1999, la nouvelle guerre tchétchène qui s'en est suivie, au début a bien aidé les poutinistes de gagner les élections législatives fin 1999 et Vladimir Poutine personnellement - les élections présidentielles en mars 2000. Mais cette sale guerre n'a pas donné de résultats militaires rapides tant escomptés par le régime. Elle s'est juste soldée par une campagne interminable et infructueuse d'un contingent très important des forces armées fédérales contre les invariables deux milliers de séparatistes. A en croire les propagandistes du régime Zdanovitch ou Iastréjèmebsky, les tchétchènes avant de mourir produiraient à chaque fois un sosie de remplacement. Malgré tous les efforts de Poutine de réduire le problème tchétchène uniquement à la question du "terrorisme", au "banditisme" et à l'ingérence internationale des extrémistes islamiques, cela n'a pas donné ni l'effet politique espéré à l'intérieur du pays, ni les retombées diplomatiques attendues au niveau international. L'aventure caucasienne de Poutine, les sales méthodes de la mener, les violations des droits de l'homme, les persécutions des civiles lors des sinistres "nettoyages", les crimes atroces contre la population de cette région dans les camps des réfugiés étaient toujours critiqués par l'opposition en Russie et par les ONG, les médias et les responsables politiques à l'étranger.

Toutes les tentatives poutinistes de mettre un signe d'égalité entre sa sale guerre tchétchène et les bombardements de la Yougoslavie par l'OTAN, ainsi qu'avec la précédente opération militaire dans le Golf Persique contre Saddam, n'ont pas abouti non plus. Les efforts de Poutine en personne et de sa diplomatie ont buté sur une résistance polie, mais assez ferme des pays du G7. Le souriant Premier ministre britannique Tony Blair, le roi de l'Espagne et le Président Chirac ne voulaient quand même pas trop reconnaître les similitudes avec les cas respectifs des séparatistes irlandais, basques et corses. Au niveau international l'aventure du Président Poutine était soutenue par quelques rares pays-parias, partiellement par l'Inde et la Chine, ou encore d'une manière relative par l'Israël dont les problèmes avec l'OLP devenaient de plus en plus accrus.

Malgré tout, la Russie affaiblie et surtout son nouveau Président, jeune et ambitieux, n'étaient pas pris assez au sérieux dans le monde. Les pays développés occidentaux, au contraire, mettaient du temps à faciliter l'entrée russe à l'OMC, en évoquant des conditions préliminaires pour que cette économie en transition puisse être reconnue comme étant vraiment celle de marché, et cela nonobstant certaines réformes libérales de Hermann Greff et quelques pas concrets de Poutine (réforme fiscale etc.). Les Etats-Unis de leur côté ne voulaient pas tout de suite abolir les mesures discriminatives et restrictives, établies à l'encontre de l'URSS à l'époque de la "guerre froide". D'autre part, le processus méthodique et forcé de la progression de l'OTAN à l'Est inquiétait assurément Moscou. La décision américaine de se retirer unilatéralement de l'accord de 1972 sur la protection anti-missiles et de lancer un nouveau projet à long terme de la "guerre des étoiles" a fait déborder le vase de la patience de Poutine.

Il lui fallait impérativement un argument de taille, capable de renverser toutes les mauvaises tendances. Les attentats du 11 septembre 2001 aux USA sont devenus un tel argument majeur et "inattendu". Poutine immédiatement a changé son attitude, sa tactique et sa stratégie. Caché dans son bureau du Kremlin il restait toujours un fervent critique de l'Occident, mais sorti de son cercle étroit au grand jour et en particulier lorsqu'il accordait des interviews prévues pour l'export, tel un caméléon il devenait instantanément "pro-occidental". Ainsi a-t-il a témoigné de son soutien "sincère" au Président Bush. Mon œil, s'il y avait ne serait-ce qu'une brindille de sincérité dans l'âme de l'ancien kaguébiste, de ce robot alémanique. Derrière les sentiments spectaculaires de Poutine tout était, comme d'habitude, calculé d'une manière parfaitement rationnelle.

La preuve de cette compassion un peu trop intéressée est venue quelques mois plus tard, lorsque les nerfs des russes ont craqué suite à trop peu de retombées par rapport à ce qu'ils avaient attendu de la communauté internationale pour leur "dévouement" à la cause "antiterroriste" universelle. C'est ainsi qu'au début de 2002 on a entendu les lamentations et les reproches russes pour l'application des doubles standards dans les relations internationales presque simultanément de la bouche d'Ivanov Sergueï, Ministre de la défense, au forum sur la sécurité à Munich (c'est là où avaient commencé les accrochages des russes avec les géorgiens qui ont immédiatement rétorqué à cet ancien collègue de Poutine par l'exemple de l'Abkhazie, quel spectacle!) et au sommet Russie-OTAN à Rome, d'Ivanov Igor, son collègue de la diplomatie russe, en visite en Inde, et enfin de Mikhaïl Kassianov, Premier ministre en déplacement au forum de Davos, exceptionnellement délocalisé à New York. Ce mécontentement nerveux s'est fait indirectement sentir également par un délire de persécution que les apparatchiks sportifs russes ont inventé lors des JO de Salt Lake City pour se faire pardonner les affaires de dopage. Mais dans tout ceci en réalité il n'y avait que des transpositions du complexe d'infériorité mal vécu par une ex-superpuissance et de l'orgueil blessé d'une Russie "trompé" par l'oncle Sam qui n'avait besoin de personne pour mener ses batailles où il le voulait et comme il l'entendait. Mais immédiatement après les attentats du 11 septembre 2001 Poutine encore avait toutes raisons de penser qu'à partir de ce moment ses arguments "antiterroristes" allaient être enfin accueillis partout à bras ouvert et que ses cotes allaient flamber.

Contrairement aux attentats du septembre 1999 en Russie, suite à ceux de l'an 2001 aux Etats-Unis d'un seul coup de "hasard" beaucoup plus que deux buts ont été atteints. Premièrement, les pertes humaines et matérielles ont eu lieu sur le continent américain lointain ce qui touchait peu la population de Russie. Au contraire même, il y a eu des approbations mesquines et revanchardes: "Cela leurs apprendra, aux yankees!" Deuxièmement, tout le sal boulot a été fait par les mains des autres et a porté préjudice aux autres (Ben-Laden, Al Caïda, les talibans, etc.). Troisièmement, les retombées positifs diplomatiques et politiques de ces attentats pour Poutine étaient instantanées et automatiques: son régime autoritaire, d'un maillon faible provoquant un mélange de sentiments qui variaient entre la pitié et le dégoût, devenait du coup presque un honorable partenaire à part entière de la coalition antiterroriste internationale. Quatrièmement, la Russie, précédemment affaiblie par les crises, retrouvait son ancienne influence de sur les républiques d'ex-URSS d'Asie Centrale et du Caucase. Cinquièmement, par les mains (ou plus exactement, par les missiles et les bombes) des américains se réglaient les graves problèmes de sécurité sur les frontières sud de Russie et de la CEI. Sixièmement, sans bouger le petit doit, Poutine acquérait un privilège moral d'exiger de l'Occident des concessions non seulement dans le domaine des droits de l'homme en Tchétchénie, mais aussi au sens économique et politique très large. Enfin, septièmement, la Russie, sans se mouiller le moins du monde, prenait une revanche éclatante sur cet Afghanistan qui l'avait humilié militairement entre 1979 et 1989.

Vous ne trouvez pas que ce "hasard" a fait les choses un peu trop bien? Que Poutine en a tiré un peu trop de conséquences positives, tactiques et stratégiques, d'un revirement "inattendu" de la situation? On peut presque dire que s'il n'y a pas eu ce Ben-Laden avec ses attentats providentiels, il aurait valu pour Poutine les inventer. A ce même Poutine, alors le parfait inconnu, qui deux ans auparavant avait déjà tiré un super billet gagnant avec Eltsine qui lui avait cédé royalement sa belle place à la tête d'un grand pays. Et en septembre 1999 suite à des attentats en Russie, cet ex-kaguébiste insignifiant avait déjà profité un peu beaucoup du sort "providentiel" pour faire mieux asseoir son régime. Vous ne trouvez pas qu'il y a eu un peu trop de trucs "providentiels" à répétition dans la vie d'un seul homme dans un laps de temps réduit?

Bien sûr, toute personne peut gagner au loto. Mais s'il un individu commence à y gagner trop souvent ou pire - systématiquement, il y a un os. Et n'importe quel mathématicien pourra vous prouver scientifiquement que cela ne peut pas de renouveler de cette façon, selon la théorie même des probabilités. Sauf s'il y a une interférence artificielle dans ce jeu du "hasard", s'il est, en quelque sorte, "provoqué". C'est justement ces petites ingérences dans le travail de la "chance" qui aidaient trop rapidement et souvent le Président Poutine, ont commencé à se sentir de plus en plus en mettant en garde les observateurs les plus attentifs avec l'esprit critique et méfiant. Nous croyons que ce sont les ambitions exagérées du nouveau maître de Kremlin qui lui ont joué le mauvais tour. Il était impatient d'avoir tout trop vite. De ce point de vue, il diffère pour le moment positivement de Staline (Poutine n'a pas de patience qui le rendrait vraiment redoutable). Lorsqu'il a vu que les résultats tout à fait satisfaisants ont été atteints par son régime assez vite après les attentats de septembre 1999 en Russie, il a voulu reconduire le même schéma à l'échelon mondial. D'ailleurs, il y avait d'autres facteurs qui favorisaient ce scénario "terroriste".

Le principal fauteuil dans le bureau Ovale de la Maison Blanche a été occupé par un républicain. Même à l'époque de la "guerre froide" l'URSS entretenais aux USA toujours de meilleures relations avec les conservateurs que lorsqu'il y avait des démocrates au pouvoir. Pour tâter le terrain et préparer la future coopération, une délégation importante du parti bureaucrate des apparatchiks poutinistes "L'Unité", ayant à sa tête le futur Ministre de l'Intérieur Grizlov, s'était rendue en Amérique pour les élections primaires des républicains. Cela n'était pas facile à expliquer du point de vue idéologique, car en même temps les poutinistes essaient de faire croire aux socialistes européens que ce parti russe "centriste" était de la couleur plutôt rose (les anciens tchékistes savaient comment il fallait tromper les partenaires potentiels). Mais politiquement cette incohérence (car dans la politique poutiniste tout est incohérent, mais calculé) avait des raisons d'être, puisque les Etats-Unis représentaient toujours le principal intérêt géostratégique pour la Russie, quoi qu'on en dise. Et la carte européenne de leur servait que comme un as éventuel dans le jeu global avec des américains ou encore les chinois. Le visage plutôt musclé de la nouvelle administration américaine (Dick Chaney, Colin Powell, Condolisa Rise, etc.) était un bon présage – les loups de se mangent pas entre eux.

Au début de notre récit nous avons déjà mentionné que le Président Bush, les services secrets et le complexe militaro-industriel américains ont étés indéniablement parmi les bénéficiaires directs des attentats du 11 septembre 2001. Effectivement les cotes de la popularité de George W. Bush ont dépassé toute espérance pour ce personnage politique très fade qui a eu beaucoup de mal à gagner dans la course à la présidence américaine contre Bill Clinton. Donc, les actes terroristes ont directement profité au Président des Etats-Unis en changeant également en sa faveur les rapports de forces avec le Congrès. En général tous les "faucons" ont profité de ce brusque et inattendu changement de la situation. Et aux USA il y a bien des forces qui sont capables de mettre sur pied un complot d'une grande envergure. Il ne faut pas chercher les exemples très loin: l'assassinat de Kennedy, "Watergate", "Irangate", etc. Mais ce pays justement diffère de beaucoup d'autres et de Russie, en particulier, que là-bas, après un scandale publique tôt ou tard ses protagonistes paient. C'est un système qui n'est pas idéal, mais qui, peut être; est moins mauvais que les autres, car il comporte des mécanismes démocratiques de l'autopurification.

Les attaques terroristes sur les Twin-towers étaient tellement audacieuses et odieuses que nous prenons le risque d'affirmer qu'aucun homme politique ou homme d'affaire sérieux américain n'aurait jamais le culot d'organiser un tel attentat. Bush-junior est très chiant et inintéressant intellectuellement, mais on ne peut pas nier qu'il est un homme politique sérieux. Il est hautain et dédaigneux pour tout ce qui dépasse les frontières de son pays justement parce qu'il incarne l'esprit américain, parce qu'il croit sincèrement en la suprématie américaine et en son droit à l'hégémonie mondiale. Il est originaire d'une famille riche et puissante avec un complexe de supériorité. Et depuis son arrivée à la tête du plus grand et riche pays du monde il est complètement épanoui. Les actes terroristes en revanche sont toujours perpétrés par des êtres avec un complexe d'infériorité et avec des ambitions inadéquates, non réalisées. Pour de tels attentats il faut un individu avec un esprit petit, mesquin, pervers et humilié. Cela ne ressemble absolument pas à Bush. Mais un chef d'Etat, qui a des ressemblances frappantes avec ce portrait, se trouve sur l'autre continent. Cet homme de petite taille et très complexé qui, lorsqu'il n'était qu'un adolescent de 15 ans avec pleins de boutons sur le visage, s'était déjà présenté de sa propre initiative à la réception de la Direction régionale du KGB pour la ville de Léningrad en proposant ses services en vue d'une collaboration secrète avec cette police idéologique d'Etat bolchevick. Et comme par "hasard" dans le pays de cet homme de pareils attentats ont eu déjà lieux immédiatement après son arrivée au pouvoir. Moins spectaculaires qu'aux Etats-Unis et heureusement avec moins de victimes, mais autant de peur dans le pays et organisés avec le même esprit tordu et mesquin. Et comme par "hasard" c'est à cet homme-là qu'ont profité les attaques terroristes non seulement en Russie, mais aussi aux USA.

Mais l'un des principaux facteurs qui nous fait pencher plutôt vers cette version de la participation des services secrets russes du régime poutiniste dans l'organisation des attentats du 11 septembre 2001, c'est, même si cela peut paraître étonnant, le fait que le danger est venu précisément de l'Afghanistan via l'Europe. Pour le comprendre ainsi, il faut connaître l'histoire de l'opposition globale entre l'Est et l'Ouest à l'époque de la "guerre froide", du développement de la lutte des petites nations pour leur indépendance, des gauchistes et extrémistes de tous genres et enfin de l'aventure militaire soviétique en Afghanistan. Les spécialistes n'ont pas besoin de preuves quelconques pour sentir et deviner une piste. Un esprit, un style, un caractère des attentats, tout révèle l'ancien KGB. A un bon oenologue souvent juste le nez et la robe d'un vin suffisent pour reconnaître sans faute l'année, le lieu et l'appellation sans goûter à la bouteille ou consulter son étiquette.

Presque tous les terroristes qui ont participé aux attentats du 11 septembre 2001 viennent des familles moyennes ou aisées, "sans histoires" et sont passé par une longue et méticuleuse légalisation dans les pays européens, tels que l'Allemagne, l'Angleterre, la France, la Belgique, l'Espagne. A l'époque de la "guerre froide" seules l'URSS et la RDA possédaient les services forts des "illégaux" (des agents secrets qui travaillaient sous la couverture des fausses identités étrangères) avec un réseau très important en Europe, les canaux de légalisation, de ravitaillement en vrais faux papiers, argent, armes, explosifs, avec les appuis logistiques sur les représentations officielles diplomatiques, les partis communistes et les groupuscules extrémistes. Et comme par "hasard" c'est justement en RDA que camarade Poutine avait représenté le KGB pendant 5 ans. Vous n'avez pas encore raz le bol de ces "coïncidences" qui concernent ce personnage troublant?

Les récents directeurs du service extérieur des renseignements politiques (le SVR) Primakov et Troubnikov sont au contraire spécialistes en questions orientales (Inde, Pakistan, Afghanistan, Iran, Iraq, Arabie Saoudite, etc.). Une jolie complémentarité, non? Ils sont tous les deux "anciens" chefs des espions russes, mais vous savez dans ces histoires des réseaux d'espions les stratégies se construisent très lentement et d'avance. Primakov était un excellent stratège qui avait travaillé sans relâche pendant 5 ans, avant d'être passé plus haut et remplacé par Troubnikov qui lui devait tout et qui a continué l'œuvre de son maître spirituel. D'ailleurs Troubnikov reste toujours dans l'exécutif russe, aux affaires étrangères comme premier adjoint au Ministre, avec le rang d'un ministre fédéral. Primakov est passé dans l'ombre, mais toujours se fait régulièrement recevoir par Poutine en personne.

Pendant les dix années de la guerre en Afghanistan les services secrets soviétiques (GROU et PGOU) ont truffé avec des milliers d'agents toute la région, y compris le Pakistan et autres pays frontaliers, ainsi que ceux qui participaient de telle ou telle manière dans le conflit. On ne va pas parler de représentants en vue tels qu'Oussama Ben-Laden ou mollah Omar, mais l'organisation Al Caïda et le mouvement des talibans, comme des organisations d'opposition crées ou financées par les américains, faisaient obligatoirement partie des objectifs prioritaire d'infiltration pour les services secrets soviétiques. Obligatoirement les espions soviétiques infiltraient leurs propres agents là-dedans ou recrutaient les agents doubles dedans. Pour comprendre comment cela se faisait, il suffit de prendre l'exemple d'un des plus connus terroristes tchétchènes actuels Bassayev qui a été bel et bien précédemment formé dans les camps secrets soviétiques par le KGB. Les services secrets gouvernementaux afghans après 1979 ont été créés de toutes pièces par le KGB. Là, il s'agissait de la coopération officielle, mais il y avait également le travail "sous le drapeau ennemi", lorsqu'en recrutant des agents pour infiltrer les organisations extrémistes le KGB se faisait passer pour les services secrets des pays tiers concurrents (français, indous, arabes, chinois, etc.) pour travailler contre les américains. Et encore il y avait toute une époque palestinienne, libanaise, syrienne, égyptienne, etc. Donc il n'est pas du tout fantastique de supposer que parmi les terroristes qui ont préparé et perpétré les attentats du 11 septembre 2001 il y avait des agents russes.

Après la dislocation de l'URSS le travail opérationnel des services secrets russes sur le terrain a diminué, faute d'argent et d'idéologie. Mais les réseaux étaient là, y compris "en dormant". Et même si parmi les anciens agents idéologiques beaucoup ont été déçu par la défaite du communisme, nombreux sont ceux qui haïssent toujours l'hégémonie américaine. Avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, vu sa nostalgie de l'époque de la guerre froide et de la grandeur soviétique, les idées de la revanche se sont réapparues non seulement en Russie, mais aussi hors de ses frontières. Il faut rajouter qu'en Afghanistan et en Orient, en général, les gens vivent tellement mal que recruter là-bas n'importe qui, pour n'importe quelle cause et pour très peu d'argent n'est pas un si grand problème.

Tout ceci aurait pu rester le fruit d'un "esprit maladif" et des affabulations, s'il n'y aurait pas eu les archives de Mitrokhine et les témoignages de centaines de transfuges soviétiques. Tiens, le célèbre général Kalouguine, qui avait dirigé le service de contre-espionnage extérieur de la PGOU en charge justement d'infiltration des services secrets ennemis, et qui vit actuellement aux Etats-Unis, pourrait en dire beaucoup à ce sujet. Il se peut qu'il l'ait déjà fait? Mitrokhine, de son côté, a récemment publié encore un livre documentaire sur l'ancien service secret soviétique, consacré cette fois-ci directement aux activités subversives du KGB en Afghanistan. L'ancien adjoint au chef de la "résidentura" du KGB à Londres, le transfuge Oleg Gordiyevsky a entièrement confirmé les dires de Mitrokhine dans une interview à la radio "Liberté" fin février 2002. Et ça, ce n'est plus une odeur avec laquelle peut travailler juste un oenologue, cela vaut carrément une étiquette sur la bouteille de vin, capable de prouver les origines et le contenu même à un ignorant. Nous sommes persuadés qu'on va encore apprendre beaucoup sur ce sujet passionnant. Et si Oussama Ben-Laden était finalement un officier de renseignement soviétique travaillant sous la couverture d'un milliardaire saoudien? Peut être la blague géorgienne qu'il fallait le chercher dans la maison de la mère du Ministre russe des affaires étrangères n'était pas si loin de la vraie vérité?

Février 2002

2002, Site anarchique "Les organes sans danger" et Ivan Zarubin.

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