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Explose

LE RÉSUMÉ DE L'HISTOIRE
de la guerre de l'ancien espion Sergueï JIRNOV
 
contre les "homo soviéticus" dans services secrets et les hautes administrations russes


 Suite à une  longue réflexion, j'ai finalement décidé en février 2002 de m'adresser aux autorités françaises avec une demande officielle de me reconnaître le statut du réfugié conventionnel en France à cause des dangers que je cours et des mesures coercitives diverses, directes et indirectes, dont je fais objet depuis 1997 dans mon pays d'origine, en l'occurrence la Fédération de Russie, où, après une courte période de libéralisation gorbatchévienne et eltsinienne, les vieilles pratiques bolcheviques d'oppression des dissidents sont à nouveau d'actualité.

Ma situation personnelle, comme celle de beaucoup d'autres journalistes et intellectuels russes à esprit critique, s'est sensiblement aggravée suite à l'arrivée au pouvoir suprême en 1999 de Vladimir Poutine, précédemment le Directeur du Service fédéral de sécurité (le FSB), dont le régime politique et administratif tente actuellement à devenir de plus en plus autoritaire et oppressif. Se servant cyniquement de la situation internationale tendue après les actes terroristes du 11 septembre 2001 aux États-unis et en essayant d'amadouer les partenaires occidentaux par les paroles rassurantes, véhiculant une image propagandiste suave de "stabilité" et de "l'ordre", prévue pour l'exportation, le régime hypocrite poutiniste instaure en réalité à l'intérieur de la Russie le climat d'intolérance à toute forme de pensée non officielle et non conformiste, à tout débat démocratique contradictoire, à la liberté de presse et d'opinions, aux droits fondamentaux prévus par la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen, par les traités internationaux et par la Constitution russe. Les plus hautes institutions administratives et judiciaires russes utilisent systématiquement et illégitimement les divers instruments de pression, légaux seulement en apparence et en forme, pour réduire au silence, évincer de la scène politique et persécuter les concurrents, les opposants au régime et les dissidents.

 

Dans mon cas précis, il y a quatre volets différents de problèmes, liés entre eux, à cause desquelles je cours le danger en Russie et je subis des pressions diverses:

 

  • l'affaire du diplôme de l'école supérieure secrète de l'ex-KGB
  • mes activités générales de journalisme critique, de recherches analytiques et de réflexions opposées à la politique en vigueur
  • mes contacts fréquents et réguliers, professionnels et amicaux, avec les ressortissants étrangers, principalement les diplomates des ambassades occidentales
  • mes liens personnels et professionnels avec un certain nombre d'hommes politiques influents russes.

  


1. Le premier volet de mes problèmes découle du fait que je représente,
 avec l'affaire du diplôme de l'école secrète de l'ex-KGB
un grand danger pour le régime actuel,
même si la cause initiale de ce différent administratif
 avec l'État de la Fédération de Russie pourrait paraître à première vue presque ridicule.


 

1.1. Quelques éléments biographiques déterminants.

 

Pour résumer aussi brièvement que possible cette facette de l'histoire, il faudrait préciser que déjà diplômé en 1983 de la faculté économique du prestigieux Institut des relations internationales de Moscou (le MGUIMO) près le Ministère des affaires étrangères de l'URSS et après avoir travaillé un an comme économiste à l'appareil central du Ministère du commerce extérieur, je suis passé en qualité d'officier de carrière dans le Comité de la sécurité État (le KGB) où j'ai reçu entre 1984 et 1987 confidentiellement une deuxième éducation professionnelle supérieure à l'Institut Andropov (le KI) qui formait les futurs éléments opérationnels de la fameuse Première Grande Direction (la PGOU – renseignements extérieurs) du KGB. Se basant sur une vétuste tradition tchékiste et soit disant pour des raisons de secret État, le service du personnel du KGB ne m'a pas remis le diplôme de cette école supérieure à sa sortie, gardant ce document nominatif, strictement personnel et non secret dans les archives secrètes du service, contrairement même aux lois soviétiques en vigueur. Mais en 1987, déjà en pleine pérestroïka, il était encore impossible de contester légalement et ouvertement cette vieille irrégularité de la machine administrative soviétique sans gâcher complètement sa carrière et sa vie. Même en me sentant comme dissident depuis la fin des années 70 où j'avais eu des découvertes déplaisantes sur le vrai passé du régime soviétique et des contacts révélateurs avec des français avec lesquels j'avais souvent travaillé comme guide-interprète, je n'ai néanmoins pas eu le courage de sacrifier ma vie et celle de mes proches en menant  de front une lutte de principes contre le régime soviétique. Je me contentais d'utiliser les failles du système déjà en déperdition pour m'assurer, par les compromis, le maximum de liberté personnelle autorisée.

Officiellement, de septembre 1987 au décembre 1992 j'ai été officier de carrière servant dans la section latino-américaine du département № 4 (géographiquement en charge du continent américain), puis au département № 1 (des "illégaux") de la Direction "S" de la PGOU. Cette dernière a été transformée en un service fédéral russe indépendant (le Service des renseignements extérieurs – le SVR) après la dissolution du KGB suite au coup État manqué et la dislocation de l'URSS à la fin de 1991. Je n'ai jamais considéré cette carrière d'espion soviétique comme ma véritable vocation, mais plutôt comme un bon compromis, un moyen efficace d'avoir des contacts autorisés avec les étrangers tout en bénéficiant d'une plus grande liberté d'actions et de mouvements par rapport aux citoyens soviétiques moyens, toujours sous contrôle de l'appareil idéologique omnipotent du Parti communiste, dont faisait partie le KGB. La particularité historique de la PGOU était une dissidence assez courante de ses personnels, ou tout au moins un esprit plus critique et un plus grand libéralisme qui régnait dans ce service d'espionnage soviétique par rapport à la Deuxième Grande direction (contre-espionnage) du KGB.

J'avais même envisagé au fond de moi-même d'utiliser éventuellement ce statut particulier d'officier du service secret comme un moyen sûr de devenir plus tard un transfuge, au cas où le régime deviendrait plus dur. Il était évident que pour passer éventuellement dans le camp idéologique adverse, il fallait d'abord avoir la possibilité de partir en poste officiel à l'étranger. Mais en réalité je n'ai pas eu l'obligation de faire recours à des mesures aussi extrêmes, comme l'avaient fait à en moment donné certains des mes anciens collègues, par exemple, le commandant Mikhaïl Boutkov, en poste à Norvège sous la couverture de correspondant d'un journal du Parti, qui était passé chez les norvégiens et les anglais en 1991. L'Histoire a joué en ma faveur – le régime s'écroulant tout seul, les règles devenaient de moins en moins strictes. Encore étant l'officier de carrière du service secret soviétique, j'ai profité de la pérestroïka lancée par Mikhaïl Gorbatchev, d'un climat défaitiste et libéral qui régnait à cette époque même dans le bastion du conformisme idéologique, pour prendre en douceur mes distances avec le KGB, en me négociant auprès de sa plus haute direction, par une ruse administrative et avec le soutien des milieux politiques influents, un statut dérogatoire individuel, donnant une entière liberté d'action sur le terrain, loin des bureaux poussiéreux du quartier général de la PGOU à Yasénévo, au Sud-ouest de Moscou.

M'étant libéré donc, par dérogation individuelle, du contrôle permanent du KGB, dans un court délai j'ai réussi de rétablir beaucoup de contacts perdus pendant des années d'études au KI du KGB. A partir de 1988 je faisais seulement semblant de travailler de temps en temps sur les dossiers secrets de ma section latino-américaine. En réalité j'étais complètement revenu à mes anciennes activités du journalisme linguistique au sein de la télévision centrale État comme animateur, auteur et producteur des émissions éducatives en langue française (cette collaboration fructueuse a commencé en 1982 et a été partiellement interrompue pendant les deux premières années de mes études secrètes à l'école supérieure du KGB). J'ai lancé  plusieurs nouvelles séries d'émissions qui ne se limitaient plus à l'enseignement linguistique à l'ancienne, mais traitaient des questions d'actualité, d'économie, de la vie quotidienne en France. Pour ceci, j'ai renoué les contacts avec l'Ambassade de France à Moscou (service culturel, service de presse, chancellerie, poste d'expansion économique, etc.) et avec mon équipe je tournais pratiquement tous les événements importants franco-soviétiques. J'ai pu pleinement profiter de la chute du Mur de Berlin. Après plus de 13 ans d'apprentissage et d'enseignement de la langue française dans les conditions de la limitation rigide de contacts avec les étrangers et des voyages hors du territoire soviétique, j'ai enfin réussi de visiter la France pour la première fois en 1989 avec une délégation de l'Association URSS-France.

Avec mes anciens camarades d'études au MGUIMO j'ai fondé également une petite société privée de conseil dans le commerce international et la publicité. Je suis aussi devenu membre du comité de rédaction de la revue "Krestianka" du Comité Central du PCUS, le périodique soviétique qui avait le plus grand tirage mensuel dans sa catégorie, en l'occurrence 22 millions d'exemplaires. Sa rédactrice en chef, Galina Sémenova, membre du Politburo du PCUS, avec laquelle j'ai commencé à avoir un contact permanent et fructueux pour les affaires internationales de sa revue, m'a proposé même de devenir officiellement son assistant personnel à plein temps au Comité Central du Parti, mais pour cela il était nécessaire de démissionner de la PGOU. Seulement, le Président du KGB Vladimir Krutchkov, à qui j'ai été obligé d'en référer comme à mon supérieur hiérarchique, n'a pas voulu me donner l'autorisation même d'une mise à disposition et m'a retenu de force dans les rangs des tchékistes, en m'interdisant d'une manière formelle de révéler à sa collègue du Politburo mon appartenance secrète au KGB. Je n'ai pas encore osé braver cette interdiction à l'époque, comme j'aurai dû le faire. Mais je n'ai pas fait non plus de tragédie de cet échec d'une grande carrière politique, car déjà ma liberté "surveillée" me suffisait en réalité pour faire pratiquement ce que je voulais.

Suite à mon statut particulier au KGB, j'avais le privilège d'avoir accès à un canal informatique directe allant du général Drozdov (chef de la Direction "S" de la PGOU), via le général Chébarchine (chef de la PGOU) et le général Krutchkov (chef du KGB et membre du Politburo du PCUS) directement à Gorbatchev (Président de l'URSS). C'est comme ça que j'ai pu passer un certain nombre d'informations analytiques qui mettaient en garde la plus haute direction du pays contre les dangers de la dislocation, mais aussi contre les éventualités de retours en force des conservateurs. Ayant analysé et pressenti depuis plusieurs années la fatalité de la défaite de l'URSS, je savais que les frontières allaient s'ouvrir et beaucoup d'opportunités de partir à l'étranger plus facilement qu'avant se présenteraient. J'ai lancé de nombreux projets de coopération durant les années qui ont suivi. Un certain nombre de ces projets a donné des opportunités personnelles. Au printemps de 1991 j'ai accepté sans hésiter la proposition de la Direction de l'ENA d'entrer dans cette Grande école française parmi les deux premiers élèves soviétiques au cycle long. Me souvenant de la réaction négative antérieure de mes supérieurs du KGB à la proposition de Mme Sémenova, cette fois-ci j'ai pris l'initiative de mener les préparatifs en secret total sans demander d'autorisations et j'ai mis le Président du KGB uniquement devant le fait accompli.

Depuis l'été 1991, j'ai pratiquement démissionné du KGB, ayant perdu le peu de contacts opérationnels que j'avais auparavant, après mon passage en 1988 sur le terrain en "free lance". Ma demande écrite et officielle de démission, formulée en août 1992 et acceptée en décembre par la Direction du SVR, ne faisait rien d'autre que régulariser une situation d'un divorce avec le service secret, consommé depuis longtemps. C'était aussi une époque extraordinaire et unique où l'on pouvait rompre facilement avec un passé d'espion soviétique sans risque d'être condamné à rester jusqu'à la fin de ses jours privé de droit de contacts avec les étrangers et de liberté de mouvements. Comme la moitié des effectifs des officiers du KGB, j'ai renoncé à la carrière au sein de cet ancien service secret soviétique et je suis passé, au grade de commandant, dans la réserve du Ministère de la défense de la nouvelle Russie, dans le "placard" pour ainsi dire. Au temps de Eltsine, dans une atmosphère d'un laisser-aller total, les officiers de réserve n'étaient pratiquement jamais inquiétés par ce Ministère de tutelle et menaient une vie civile tout à fait normale et paisible avant d'être complètement rayés des listes de réservistes, passé un certain âge.

Mais une obligation tacite de garder confidentielles mes anciennes relations avec le service spécial d'une époque révolue pesait néanmoins sur ma conscience personnelle. J'avais besoin de me libérer de ce poids moral en faisant une croix définitive sur le passé d'espion, sur lequel j'étais encore obligé de mentir par précaution dans mes CV à l'étranger de peur d'être interdit de séjour dans les pays européens ou de faire fuir mes partenaires commerciaux occidentaux. Mais il était évident que tôt ou tard il fallait en finir avec une telle situation difficile moralement et pour se libérer d'un poids mental il fallait en parler ouvertement avec des tiers. Seulement, pour le faire dans mon cas particulier, il fallait avoir un minimum de preuves matérielles pour être crédible sur un terrain aussi glissant que les activités secrètes d'espionnage. Et les preuves matérielles justement me manquaient, car à ma démission du SVR, je n'avais pratiquement aucun document qui prouvait mon ancienne appartenance au KGB. Il fallait les obtenir d'une manière ou d'une autre. J'ai décidé de m'adresser directement à mon ancien service.

 

1.2. Déclenchement de l'affaire du diplôme avec le SVR.

 

Lorsqu'en décembre 1997 j'ai officiellement demandé par écrit au Directeur du SVR mon diplôme du KI de KGB émis en 1987, mes problèmes ont commencé. Cette demande, certes quelque peu habituelle pour un service secret, mais strictement administrative et au fond assez anodine, a pris au dépourvu les fonctionnaires du SVR qui au début ne savaient pas comment réagir. Elle est devenue le facteur déclencheur de toute une "affaire". Les petits apparatchiks du service de personnel du SVR ont d'abord essayé par téléphone d'exercer une forte pression morale sur moi pour obtenir le retrait de ma demande qui les gênait, mais je tenais bon et j'insistais sur une réponse officielle écrite. Au bout d'un mois, le 8 janvier 1998 le Directeur du personnel su SVR s'est décidé enfin de me refuser par écrit ce que je demandais. J'étais persuadé que cette décision, manifestement erronée, était le fruit d'une attitude frileuse des bureaucrates qui avaient peur de tout ce qui dépassait les sentiers battus et qu'il suffisait de contacter les hauts responsables pour débloquer ce problème relativement peu important d'un document vieux de 10 ans dont toute confidentialité, s'il en y avait une, était devenue caduque après la dissolution du KGB, la dislocation de l'URSS et ma démission.

J'ai contesté ce premier refus écrit, pour vice de forme, en expliquant mieux mes arguments dans ma nouvelle demande. Néanmoins, le 2 mars 1998 j'ai reçu une lettre très officielle à en-tête du SVR et signé par le responsable du service judiciaire qui confirmait la réponse négative du SVR de donner une suite favorable à ma demande. Cet entêtement dans une réaction stupide, négative et agressive, de la part des fonctionnaires d'un service fédéral qui, sur le papier, devait respecter la priorité des intérêts d'un citoyen sur ceux de État (article 2 de la Constitution de Russie), m'a prouvé que le problème était plus profond que je ne le pensais au début. J'ai commencé donc à me documenter sérieusement, à étudier plus en détails la législation, à consulter quelques juristes connus, dont mon ami et collègue de la Présidence de l'Association des Amis de la France Anatoli Kovler, qui à l'époque était le rédacteur en chef de la revue "L"État et le droit" et qui depuis ce temps-là est devenu le juge à la Cour Européenne des droits de l'homme à Strasbourg. J'ai constaté, document à l'appui, que j'avais parfaitement raison et que le SVR était dans l'illégalité en persistant dans ce refus de respecter les droits d'un citoyen garantis par la Constitution de Russie et de nombreuses lois. Mon combat administratif contre le SVR prenait de l'importance, cessait d'être personnel en devenant une affaire juridique de principes et d'utilité publique.

 

1.3. Enquêtes judiciaires du Parquet.

 

Suite aux refus écrits illégaux du SVR, j'ai adressé en juin 1998 une plainte officielle argumentée au Parquet militaire qui a été tout aussi embarrassé que le SVR précédemment. Néanmoins une enquête judiciaire préliminaire a été ordonnée et cela a mis le SVR sur la sellette. Bien évidemment ses fonctionnaires n'ont pas apprécié l'intérêt que leur portait, à cause de moi, la justice militaire. L'affaire est montée jusqu'au Directeur du SVR Viatcheslav Troubnikov en personne, qui avait le statut du ministre fédéral, était le protégé et la créature de très influant Evguéni Primakov, son prédécesseur dans le fauteuil du grand chef des espions russes, déjà devenu ministre des affaires étrangères et qui allait devenir sous peu le Premier ministre. L'enquête du parquet militaire a duré 3 mois au cours  desquels le SVR a exercé sur moi les pressions indirectes, en essayant de me compromettre auprès de mes partenaires économiques. Malgré une évidente raison que me donnait la loi dans toute cette histoire, le Parquet, sous la pression politique venant de Primakov, a finalement décidé en août 1998 de classer ma plainte sans suites, évoquant un prétexte farfelu. Le SVR a sauté sur cette occasion et m'a réitéré en septembre 1998 le refus, catégorique cette fois-ci, de me remettre le diplôme.

En automne 1998 l'ultra conservateur Primakov est devenu Premier ministre. Une atmosphère de la revanche des services spéciaux soviétiques, malmenés par les démocrates après la dislocation de l'URSS, se faisait de plus en plus sentir dans la société russe. Les changements inquiétants s'effectuaient également avec l'arrivée à la tête du FSK (service fédérale du contre-espionnage) de Vladimir Poutine, ancien lieutenant-colonel et collègue de la PGOU du KGB. Les premières "affaires des espions", fabriquées de toutes pièces par le contre-espionnage russe, comme au temps des Goulags staliniens, devenaient un trait caractéristique de cette époque. C'est à ce temps-là qu'a éclaté, par exemple, un énorme scandale lié aux déclarations de certains éléments opérationnels limogés du FSK qui ont révélé les préparatifs d'un assassinat, commandité par les plus hauts responsables du FSK, du très controversé Boris Bérézovsky, à l'époque - le secrétaire exécutif de la CEI.

Dans une montée d'espionnite maladive, l'enquête officielle judiciaire du Parquet militaire que j'avais lancée auparavant, a permis au SVR de solliciter l'intervention de leurs collègues du FSK pour obtenir les autorisations pour ma mise permanente sur écoutes comme un suspect, un espion potentiel travaillant pour le compte d'une puissance étrangère. Ma correspondance était contrôlée, j'étais constamment "filé" et il y a eu des perquisitions secrètes dans mon domicile et celui de mes parents. Une simple histoire d'un vieux diplôme d'une école du KGB dissout de l'URSS inexistante depuis 7 ans devenait bizarrement une "vraie affaire" d'espionnage occidental, français en l'occurrence, vu mes antécédents, ainsi que mes liens personnels et professionnels avec ce pays.

De mon côté, tout en gardant une tête froide et un certain humour détaché par rapport à cette histoire, avec chaque nouvelle étape je me rendais compte de plus en plus sérieusement à quel niveau cette "affaire" était révélatrice des disfonctionnements flagrants du nouvel appareil étatique russe qui avait hérité des pires tares du régime soviétique, surtout dans le domaine particulier des services spéciaux qui, sous la couverture des secrets État désuets ou inventés, faisaient ce qu'ils voulaient sans aucun contrôle efficace de la part de la société. Par la force des choses, tout simplement en faisant ces constatations évidentes, je cessais d'être un plaideur pour une cause privée insignifiante et je devenais un vrai dissident, remettant en cause tout un système État et poursuivi par les services secrets pour cette activité "subversive".

Nonobstant, je me suis adressé en septembre 1998 avec une plainte plus détaillée au Parquet Général qui a ordonné une nouvelle enquête de justice. Elle a duré 5 mois en confirmant finalement en grande partie le bien-fondé de mes arguments. Mais le Procureur général adjoint a formulé en février 1999 ses conclusions définitives d'une manière tellement évasive et confuse, que cela a donnée au SVR une possibilité kafkaïenne de les appliquer à l'envers. Mes pires prévisions sur la perversité du système actuel des services spéciaux et sur l'inefficacité de l'appareil État que je formulais dans les différents articles publiés sur mon site et dans d'autres endroits sur Internet, se confirmaient une à une.

 

1.4. Médiatisation de l'affaire
et les premières poursuites au pénal par les autorités russes.

 

Face à la stupidité administrative du SVR qui s'entêtait à ne pas me donner mon vieux diplôme et au vu de l'influençabilité politique du Parquet militaire qui refusait de reconnaître et de protéger mes droits constitutionnels, je m'entêtais aussi. L'étape importante suivante était liée à la décision de m'occuper plus sérieusement des conséquences d'une telle situation et la médiatiser pour me garantir éventuellement un soutien de l'opinion publique au cas où cela tournerait vraiment mal. En septembre 1998, je me suis mis à l'Internet et en octobre 1998 j'ai lancé mon premier Web-site consacré à cette histoire en attendant les suites de la deuxième enquête judiciaire du Parquet. Au début mon Web-site était hébergé sur le serveur gratuit www.geocities.com, puis son adresse permanente sur Internet est devenue http://boozers.fortunecity.com/norfolk/691 (fermé depuis le mois de juin 2003 et transmis sur un emplacement nouveau http://members.fortunecity.com/norfolk691 ).

L'opération militaire de l'OTAN en Yougoslavie en mars 1999 et la réaction négative du pouvoir russe faisaient penser de nouveau à la guerre froide Est-Ouest. La situation à l'intérieur de la Russie changeait de plus en plus avec la tentative de destitution de Eltsine. Le conservateur du type soviétique Primakov, même limogé du poste de Premier ministre, prenait de l'autorité et l'atmosphère du retour des vieilles méthodes bolchevicks dans les activités des services secrets devenait vraiment pesante. Le sale scandale avec la casette porno représentant le Procureur général Skouratov a révélé le rôle de Vladimir Poutine, chef du contre-espionnage, pour le moins douteux pour ne pas dire illégal.

Au début de 1999 mon histoire de diplôme commençait à s'ébruiter. En mars 1999 j'ai accordé une grande interview générale aux journalistes de "Charlie Hebdo", dans laquelle une allusion à mon différent avec le SVR a été faite. En avril 1999 la chaîne de télévision russe REN-TV a fait un reportage spécial sur ce cas. La radio "subversive" "Liberté", financée par le Congrès des États-unis, a donné une référence à mon histoire. Enfin en juin 1999 le journal russe "Ségodnya" du groupe de presse "MOST", appartenant au magnat Vladimir Goussinsky, a publié un article sur mes démêlés avec le SVR et le Parquet. Tout ceci a fait une très mauvaise publicité au régime en général et à certains fonctionnaires en particulier.

Les mesures de pression du service de contre-espionnage sur moi de la part des services secrets étaient constantes et tout le temps grandissantes. Mais après cette dernière publication, une première directe poursuite au pénal, soit disant pour la divulgation des secrets État, a été tout à fait sérieusement ordonnée en juin 1999 par le Parquet militaire à mon encontre et celui des journalistes qui ont publiés les articles là-dessus. Malgré une évidente absence de toute ombre de subversion, le caractère parfaitement ouvert, légal et légitime de mes requêtes, l'enquête judiciaire pour la haute trahison a été instruite secrètement par le FSB (service fédéral de contre-espionnage). Au mois de juillet tous les tiers ont comparus confidentiellement comme témoins devant le juge d'instruction du FSB. Au début du mois d'août 1999 est venu mon tour d'être convoqué à la sinistre prison de Léfortovo à double reprise, exactement à la même époque où le Directeur du FSB Vladimir Poutine devenait Premier Ministre de Russie.

J'ai réussi de réunir des arguments documentaires irréfutables qui m'ont aidé à faire classer sans suites cette enquête pénale. Mais une attaque aussi agressive de mes adversaires pour très peu de choses m'a conforté dans la détermination de mener cette histoire jusqu'au bout. J'ai donc décidé de porter cette affaire au civil devant les cours de justice.

 

1.5. Espionnite en Russie
et déposition de l'affaire du diplôme devant la justice en première instance.

 

En août 1999 j'ai déposé la première plainte contre les fonctionnaires du SVR à la Cour de première instance du district Timiriazevsky de la ville de Moscou. Cette plainte purement formelle devait être rejetée officiellement pour que je puisse continuer l'action judiciaire en première instance directement devant une Cour régionale, car il s'agissait d'une affaire "de secrets État". C'est ce qui s'est passé et le 1 septembre 1999 j'ai déposé ma deuxième plainte civile devant la Cour de grande instance de la ville de Moscou.

Il faudrait souligner que cela se passait dans une atmosphère de l'hystérie et de l'espionnite qui a suivi l'ascension de Vladimir Poutine au poste de Premier ministre de Russie. Une provocation militaire soit disant "terroriste" au Daghestan, fabriquée de toutes pièces par le FSB, a servi de prétexte pour le déclanchement de la seconde guerre en Tchétchénie. Les explosions "terroristes" des immeubles civiles dans plusieurs villes russes ont fait naître un sentiment général de peur, nationalisme, xénophobie et vengeance. Les agents de FSB ont été pris en flagrant délit de préparatifs d'une nouvelle explosion à Riazan, mais Poutine a étouffé l'affaire. La société terrorisée par cette peur, sciemment provoquée et entretenue par les services spéciaux sans vergogne, réclamait de plus en plus une "main forte", de "l'ordre", ce qui faisait monter dans tous les sondages la cote de Poutine, jusqu'alors un parfait inconnu.

Mon différent avec le SVR, le service secret où le nouveau homme fort du régime et le "dauphin" de Eltsine avait fait sa carrière d'espion auparavant, prenait une toute autre tournure et signification. Malgré cette nouvelle donne, je n'ai pas voulu renoncer à la lutte, qui devenait pour moi un combat de principes. Comme je l'ai déjà indiqué, chaque nouvelle étape dans ce long périple administratif et judiciaire confirmait malheureusement les profonds disfonctionnements de tout l'appareil étatique russe, faisant de moi par la même occasion, presque à mon insu, un opposant systémique au régime. Car il suffisait à n'importe quel observateur et analyste honnête et consciencieux de tirer de simples conclusions évidentes de la progression de mon cas dans la structure hiérarchique du pouvoir russe pour se rendre à une telle évidence. Le volet strictement judiciaire de cette histoire, pour sa part, confirmait le reste déjà assez désastreux. Il était évident que les instances judiciaires russes, complètement dépendantes et influençables par le régime comme tout le reste de la société, étaient vraiment embarrassées par ma plainte contre un des services secrets qui prenaient de plus en plus de poids dans le pays.

La Cour de Moscou, personnifiée par la juge fédérale Yémichéva en charge de l'instruction de ma plainte, a commencé à commettre une effraction sur l'autre au Code de la procédure civile. A chaque fois lorsque je la prenais en flagrant délit de violation des règles les plus élémentaires procédurières, une réaction désagréable suivait. Mais avec ma persévérance et mes connaissances pointues du droit russe, qui grandissaient au fur et à mesure de la progression de l'affaire, j'arrivais toujours à obliger la Cour presque de force de se remettre sur le droit chemin, ou plus exactement sur le chemin du droit.

C'est comme cela que mon cas a été enfin examiné à l'audience préliminaire publique le 19 octobre 1999, avec un retard illégal d'un mois et demi par rapport à la norme obligatoire imposée par la loi. Mais soit disant pour une question de preuves matérielles manquantes, la juge a reporté tout aussi illégalement la prochaine audience à la fin du mois de novembre 1999. Le lendemain un nouvel article est paru dans le journal "Ségodnya" qui m'a fait encore plus de publicité. D'autre part, depuis le mois de septembre j'ai créé encore deux sites Internet indépendants (je vais en dire plus dans la deuxième partie).

Dans cette attitude de la Cour, bizarrement très irrespectueuse de la loi, on sentait qu'il y avait comme une sous-jacente volonté de faire traîner mon affaire, quitte à violer les exigences légales, pour une raison inconnue. C'est seulement en 2001 que j'ai appris de source sûre, tout à par hasard, qu'en réalité une deuxième poursuite secrète au pénal était engagée par le FSB. Ce service fédéral, qui devenait à nouveau omnipotent, avait besoin de temps pour boucler l'enquête de son côté et donc a exercé les pressions sur la juge Yémichéva pour qu'elle retarde au maximum les audiences. Une telle éventualité a été pressentie et prévue par moi, c'est pourquoi au prochain report illégal des audiences par la juge en décembre 1999, j'ai pris l'avion et je suis parti me réfugier en France.

A cette époque-là je croyais encore à la possibilité de faire triompher la loi, puisque j'ai réussi quand même à faire classer sans suites la première enquête pénale du FSB en août 1999. Donc, je n'ai pas demandé l'asile politique ces temps-là et je me suis limité tout simplement à prendre du repos dont j'avais vraiment besoin. Il me fallait également du temps pour vendre ma maison en Savoie (puisqu'elle ne correspondait plus à mes besoins) et de déménager ailleurs. J'avais besoin aussi des ressources financières pour vivre. Au printemps 2000 je me suis débarrassé donc d'une propriété devenue inutile et encombrante, réalisant une très bonne affaire puisque j'ai tiré de cette vente une plus-value qui m'a permis de racheter un petit pied-à-terre à Chamrousse et de reconstituer une réserve financière confortable sur laquelle je vis jusqu'à ce jour.

Entre temps, mon cas civil a été jugé illégalement en mon absence à Moscou en janvier et février 2000 et classé sans suites, toujours avec les graves violations de la procédure civile, par une juge trop complaisante et arrangeante en faveur du régime. Je me suis refait la santé et le moral sur les pistes de ski et j'ai décidé de revenir en Russie pour tenter de redonner un coup de pouce à une affaire qui tombait à l'eau.

A mon retour en mars 2000 à Moscou et après une bataille procédurière acharnée, j'ai réussi à faire rouvrir par la Cour de Moscou mon dossier civil, classé illégalement auparavant en mon absence. Il a été réexaminé sur le fond de l'affaire dans une audience fermée au public et secrète le 22 mai 2000. Malgré les évidences des arguments documentaires présentés et les exigences sans équivoques des lois en vigueur, la Cour de grande instance de la ville de Moscou a donné raison au SVR, confirmant malheureusement par la même occasion mes pires conclusions quant à l'absence de l'objectivité et une totale dépendance de la justice russe du pouvoir en place qui devenait de plus en plus autoritaire après "l'abdication" de Eltsine et les élections à la Présidence de Russie de l'ancien kaguébiste Poutine.

Les "affaires d'espions", fabriquées de toutes pièces par le FSB commençaient à foisonner dans le pays et juste le lendemain de l'inauguration du nouveau Président une première descente des hommes armés et cagoulés, qui a reçu par la suite le nom de "show masqué", a eu lieu au siège du groupe médiatique "MOST" et dans les rédactions des médias faisant partie de celui-ci. Pour m'en assurer que je n'étais pas encore privé de ma liberté de mouvements, j'ai demandé au Ministère de l'Intérieur le renouvellement du passeport extérieur (car avant de le délivrer à l'intéressé la police demandait obligatoirement une autorisation au FSB). Il m'a été délivré sans aucun problème en avril 2000 ce qui voulait dire que la deuxième enquête au pénal du FSB n'a pas abouti comme la première auparavant.

 

1.6. Autres recours juridiques.

 

Malgré ce climat maladif d'intolérance qui s'affermissait dans la société russe et un jugement parfaitement injuste en faveur d'un service secret fautif, j'ai décidé de ne pas me laisser abattre et - j'ai déposé en juin 2000 un appel devant la Cour suprême de Russie. J'ai contesté la décision de la Cour de Moscou, car elle me paraissait très facile à attaquer à cause des contradictions flagrantes et impossibles à ignorer, à commencer par la reconnaissance farfelue d'un prétendu caractère "secret" d'un vieux diplôme, ce qui néanmoins n'a pas empêché cette même Cour de le citer amplement. Mais si cette conclusion était vraie, en citant un document secret dans une décision publique la Cour commettait un crime pénal de divulgation d'informations confidentielles ce qui par la même occasion rendait caduc le secret lui-même et doublement injuste la décision judiciaire. Une absurdité pareille aurait pu paraître ridicule si elle n'a pas été formulée noir sur blanc par une haute Cour de justice. Et ce n'était qu'un détail à côté de nombreux autres.

En voulant démontrer la totale absurdité d'une telle situation, j'ai déposé des plaintes de divulgation de secrets État à l'encontre de la juge Yémichéva au Parquet général et au FSB. Il était évident que ma persévérance arrogante sur la voie de justice agaçait mes adversaires du SVR, qui ne pouvaient pas avoir la paix tant que cette affaire dérangeante n'était pas close. Et je faisais une très mauvaise publicité à ce service secret russe dans mes articles publiés dans Internet en attendant l'examen de l'appel par la plus haute instance judiciaire du pays.

Le 21 juillet 2000 a eu lieu l'audience à huit clos à la Cour suprême. Après l'examen de mon appel, la chambre des affaires civiles a malheureusement confirmé la décision de la Cour de Moscou complètement absurde, contenant de nombreuses contradictions et irrégularités, mais qui par la même occasion entrait en vigueur. J'ai déposé un ultime recours devant le Président de la Cour suprême, mais qui est resté sans réponse jusqu'à maintenant. J'ai eu encore d'autres actions judicaires fin 2000 – début 2001 qui n'ont pas eu plus de succès, malgré la pertinence de mes arguments et les preuves irréfutables de mon droit constitutionnel. Il devenait de plus en plus claire que le système judiciaire russe était tout aussi pourri et corrompu que le reste de la machine administrative et qu'après l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine toute la situation interne a empirée encore.

En quatre ans j'ai consigné dans mes dossiers plus de 250 documents tout à fait officiels qui rendent les pouvoirs publics russes complètement ridicules. Et voilà comment une simple affaire administrative d'un vieux diplôme insignifiant est devenue un élément révélateur de la maladie bureaucratique chronique de la société russe actuelle. Et, par la même occasion, comme l'instigateur de cette affaire révélatrice, je suis devenu un opposant et un dissident en lutte active contre le régime autoritaire qui bafoue systématiquement et constamment les droits de l'homme.

 

Conclusions synthétiques du premier chapitre:

 

  • Quelle que soit la cause de ce conflit (aussi minime et insignifiante soit-elle), les apparatchiks du SVR ne veulent pas la création d'un précédent où un citoyen puisse gagner dans un conflit judiciaire contre un service secret, puisque en cas de succès cela pourrait faire jurisprudence, banaliser cette méthode légale de règlement des conflits légitimes, donner un exemple gênant aux fonctionnaires et inciter d'autres personnes à attaquer le SVR plus couramment.
  • Depuis le début de ce cas très simple et sans importance, d'un petit malentendu administratif, il a pris les proportions exagérées et devenu systémique. Il démontre qu'il ne se limite pas à un petit problème interne à cause du conflit isolé d'un fonctionnaire donné, d'un ministère fédéral donné face à un citoyen donné, mais de tout un système État où sont impliqués toutes les institutions publiques et composantes de la société russe, y compris la Présidence de Russie, le parquet général, le parquet militaire, la justice de tous les niveaux (jusqu'à la Cour suprême), État (les ministères de l'éducation, de la justice, etc.), les services secrets, les médias.
  • Dans la Russie actuelle les questions des droits de l'homme sont devenues très politisées et idéologisés, comme au temps soviétique. Elles sont traitées, ou plus exactement ignorées et bafouées par le régime avec un cynisme, que l'on n'avait pas connu même du temps brejnévien.
  • Concernant la problématique des secrets État, j'attaque et je mine avec ce cas les bases de l'ancien système soviétique qui est encore très présent et encré dans les esprits des apparatchiks bureaucrates russes qui, avec l'arrivée au pouvoir de Poutine, veulent prendre une revanche sur les années de la démocratisation et de la libéralisation (on ne peut même pas parler de la démocratie et de la liberté en totalité).
  • Avec mes propres publications sur ce sujet et l'intérêt que les médias portent à ce cas, je fais une très mauvaise publicité au SVR et à tous les apparatchiks poutinistes qui ferment les yeux sur la violation des droits de l'homme, couvrent politiquement et administrativement les bureaucrates qui veulent avoir un domaine de non droit et d'impunité où ils peuvent faire ce que bon leur semble.
  • Mon cas se trouve dans la même lignée des "affaires d'espions" qui caractérisent le régime de Poutine (de l'écologiste Alexandre Nikitine de Saint-Pétersbourg, du journaliste militaire Grigori Pasko de Vladivostok, du physicien Danilov, du diplomate Moïsseïev, etc.). La petitesse du prétexte qui a entraîné des conséquences administratives sans commune mesure avec celui-ci prouve que lorsqu'il s'agît d'enjeux beaucoup plus importants le régime peut faire vraiment n'importe quoi.
  • A cause de tout ceci je suis devenu un homme gênant pour le régime cynique, de plus en plus autoritaire, voire carrément dictatorial, qui ne veut pas respecter les lois en vigueur et la Constitution de pays.

 


2. Dans le deuxième volet de mes problèmes,
je suis visé à cause de mes convictions politiques
 et mes activités de journalisme en général
 qui sont en opposition avec le régime poutiniste.


 

L'histoire du diplôme au début ne représentait pour moi qu'un intérêt assez limité administratif. Mais au fur et à mesure du développement de ce cas unique et très particulier je commençais à réfléchir de plus en plus globalement et voir les problèmes systémiques qui dépassaient le cadre d'une simple anecdote. Je pressentais les profonds changements qui s'opéraient dans la société russe. Petit à petit j'ai décidé de me consacrer à l'observation plus systématique et à l'analyse plus approfondie des phénomènes politiques, militaires, économiques, sociologiques, des questions de criminologie, de corruption, des médias, etc. Le dernier facteur déclencheur d'une nouvelle vision et approche était l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en août 1999 qui a provoqué un chambardement dans l'histoire moderne de la Russie.

En septembre 1999 j'ai décidé d'ouvrir parallèlement sur le serveur www.geocities.com deux nouveaux sites Internet qui n'étaient pas directement consacrés à l'histoire du diplôme, mais liés indirectement. En constatant les lacunes dans le système des relations publiques des fameux services spéciaux russes qui n'avaient toujours pas leurs propres Web sites officiels malgré une grande campagne de propagande, j'ai ouvert les sites non officiels et ironiques du FSB (www.geocities.com/Pentagon/Bunker/3157) et du SVR (www.geocities.com/Pentagon/Bunker/5020). Mon article de lancement de ses sites a été publié dans le journal "Les Izvestia" et j'ai même gagné un prix avec lui.

Les activités journalistiques dans ce cyberespace sont devenus pour moi une possibilité de m'exprimer sur les questions plus globales, avec les visions le plus souvent assez critiques envers le régime. Certains articles ont été repris par d'autres sites et journaux, notamment les articles sur les partis politiques et sur la personnalité controversée de Primakov la veille des élections législatives. Ma version d'un complot au Kremlin pour organiser l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, qui paraissait totalement utopique en septembre 1999, a été finalement presque mot pour mot reprise encore en janvier 2002 par le journal "Nézavissimaya gazéta". J'ai commencé à avoir du succès. Mes sites ont eu un intérêt assez soutenu en Russie. Il y avait aussi des visiteurs de France, USA, Allemagne, Israël, Japon, Grande Bretagne, Espagne, Mexique, Canada, Turquie, Australie, Hongkong, Corée du Sud, les anciennes républiques soviétiques, les pays de l'Europe Centrale et Orientale.

Il faut mettre à mon compte que deux mois plus tard les deux services secrets fédéraux ont fini par craquer et ont ouvert finalement leurs propres Web sites officiels. La conception de le mes sites a servi d'exemple pour une autre initiative – le lancement du site www.agentura.ru qui a pratiquement volé mon idée initiale de regrouper dans un seul endroit l'information très éparpillée sur les services secrets. Mais étant donné le caractère trop doux des matériaux qui y sont publiés et les points de vue souvent trop conformistes, on peut en déduire que ce site était lancé par les services spéciaux comme une contre-attaque. Je publiais mes articles également sur les forums Internet des partis politiques à tendance libérale (Yabloko, le SPS, etc.) et sur le forum MSK (http://forum.msk.ru), un espace unique dans le Runet qui était soutenu par l'Institut "Société ouverte" du milliardaire américain George Soros. Les publications sur les forums politiques donnaient non seulement une plus grande notoriété, mais suscitaient aussi les discussions qui souvent étaient très animées.

Entre décembre 1999 et mars 2000, lorsque j'étais en France je n'actualisais pas les sites, mais j'ai repris l'activité journalistique politique au printemps 2000 à mon retours à Moscou à la veille des élections présidentielles. A part les thèmes purement politiques j'ai abordé cette année des sujets tabous, très sensibles touchant au domaine des services secrets. Mon article sur l'Académie des renseignements extérieurs (www.compromat.ru\main\svr\a.htm) est devenu la référence en la matière et a été repris par le site Internet très connu www.compromat.ru que l'on pourrait qualifier de "Canard enchaîné" russe, animé par Sergueï Gorchkov. Certains représentants de la presse écrite ont exprimé leur intérêt pour une collaboration à long terme dans ce domaine (dont le célèbre hebdomadaire "Ogoniok"), mais finalement ont dû y renoncer sous la pression administrative du pouvoir exécutif. Les responsables des publications m'ont révélé en secret qu'ils ont reçu des visites des agents du FSB suite aux contacts avec moi.

En novembre 2000 j'ai traduit quelques articles en français et les a proposés à l'étranger. Les sites Internet français www.confidentiel-defense.com  et www.criticalsecret.com les ont repris volontiers.

Il était évident qu'un tel espace d'information critique et de politologie d'opposition, sortant des frontières russe, ne pouvait pas ne pas susciter un intérêt professionnel des services spéciaux et du gouvernement de Russie. Par un moteur d'analyse du trafic j'ai pu constater que mes sites étaient régulièrement visités par le FSB et l'administration présidentielle de Russie (je joins une copie des certains comptes rendus de ce trafic en annexes, qui concerne la période du juin 2000 au mars 2001 parce que c'est dans cette période-là où j'avais accès à ce mécanisme gratuitement; plus tard il est devenu payant et j'ai dû y renoncer, mais certainement pas le FSB qui a continué à me surveiller). Je recevais régulièrement des courriers électroniques provocateurs ou qui venaient tâter le terrain en me demandant des conseils bidons ou en me faisant des propositions louches.

Le représentant du SVR lors des dernières auditions à la Cour suprême en février 2001 m'a fait quelques confidences. Il m'a affirmé que mes démarches judiciaires ont eu pour conséquence une ordonnance du Directeur du SVR d'apporter les changements importants dans les documents normatifs de l'AVR et dans l'organisation des études de cette école supérieure du SVR. Ça, c'est plutôt une bonne nouvelle. Mais selon lui, le FSB avait ouvert une enquête spéciale concernant mes activités de journalismes, particulièrement après la publication du texte sur l'Académie des renseignements extérieurs (AVR) qui aurait beaucoup touché l'amour-propre des tchékistes et soulevé une réaction fulgurante dans les QG du SVR à Yasénévo Donc les filatures, dont je faisais objet en mars – mai 2001 ne seraient-elles pas liées à cette troisième enquête pénale secrète du FSB?

En tout cas, mes dernières publications sur le forum MSK en janvier - février 2002, l'article sur l'Oukase présidentiel sur la mobilisation des officiers de réserve (http://forum.msk.ru/files/020129182622.html) et le commentaire politologique de la cérémonie d'ouverture des JO aux USA (http://forum.msk.ru/files/020211131249.html), ont confirmé, par les réactions injurieuses directes et instantanées dans les discussions avec plusieurs détails biographiques troublants de leur précision, que les services spéciaux russes ne m'ont pas oublié après une absence assez longue sur ce forum (je n'ai rien publié entre janvier et décembre 2001), m'ont toujours à l'œil et supportent de moins en moins bien mes critiques du régime poutiniste. J'ai même reçu des menaces de mort à peine voilées (copie des tableaux de discussions en annexes).

 

Conclusions synthétiques du deuxième chapitre:

 

  • Dans le domaine du travail purement journalistique, avec la mise en route depuis le septembre 1999 de mes propres sites Internet liés aux questions générales de la politique et des services secrets et avec un certain nombre de textes qui analysent et traitent les questions taboues et sensibles, pour la plupart jamais abordées par d'autres journalistes et chercheurs, je représente finalement pour le régime poutiniste un danger encore plus grand que dans le cas limité du diplôme du KI.
  • Ce travail général réussi d'information et de journalisme gêne beaucoup mes adversaires politiques qui voudraient me passer pour un fou à lier ou un raté qui s'entête à quémander son vieux diplôme de l'ancienne école du KGB.
  • Dans l'atmosphère de la censure et des poursuites contre les journalistes en Russie, il est évident que les mesures répressives risquent de me concerner tout aussi directement. Déjà le régime parle du contrôle total des activités sur Internet et des mesures restrictives concernant les journaux Web "on-line", qui jusqu'à maintenant avaient une totale liberté d'action et n'avaient pas besoin de quoique ce soit. On parle, entre autres, d'une obligation à tout journaliste et à tout site qui traite des informations générales en langue russe d'obtenir une licence auprès du Ministère russe de la presse pour pouvoir travailler tranquillement sur Internet.

 


3. Dans le troisième volet de mes problèmes,
c'est mes liens amicaux ou professionnels avec des étrangers
 qui deviennent des prétextes
pour les poursuites des services secrets russes.


 

Je suis persuadé que cet intérêt particulier des agents du FSB à mon humble personne est également lié à mes liens amicaux ou professionnels avec des étrangers, en l'occurrence des personnels de l'Ambassade de France à Moscou...

 

Le FSB utilise ce genre de prétextes pour fabriquer des accusations complètement farfelues, comme c'est le cas de nombreux intellectuels russes qui sont arrêtés et accusés à tort de la haute trahison dans les conditions apparemment ridicules, mais qui finissent bel et bien en prison. Mon histoire avec le diplôme du KI démontre que si les services secrets russes étaient capables de monter tout une affaire à la base d'un petit papier insignifiant, il leur est d'autant plus facile de fabriquer un faux procès se servant des vrais étrangers en les accusant d'être des espions et en m'accusant d'être un traître au solde des puissances étrangères. Et je ne manque pas de connaissances dans les ambassades occidentales.

Si je n'étais pas été interrogé à double reprise en été 1999 dans la bien réelle prison de Léfortovo par un bien réel juge d'instruction du FSB, je n'aurais jamais cru cela possible qu'il m'arrive une chose pareille pour une banale histoire d'un diplôme. A la limite cela est même heureux que j'aie entre les mains la preuve matérielle d'une convocation écrite pour une audience chez le juge Plotnikov pour me prouver la parfaite réalité de la chose. Si je n'avais pas vu par mes propres yeux à plusieurs reprises la filature derrière soi dans les rues de Moscou, je n'aurais jamais cru que cela puisse être réel. J'ai de la chance d'avoir reçu une bien réelle formation spécialisée dans une bien réelle école supérieure du KGB pour pouvoir détecter cette filature. Vu de France, tout cela pourrait paraître complètement inventé, mais c'est malheureusement une triste réalité en Russie poutiniste depuis au moins deux ans. Les pires méthodes des purges staliniennes reviennent à la mode sous le régime russe actuel. Les gens commencent à avoir plus peur des hommes en uniformes, qui sont omniprésents dans les grandes villes, que des bandits.

 

Conclusions synthétiques du troisième chapitre:

 

  • A cause de mes relations amicales et professionnelles avec les étrangers, je cours un bien réel danger d'être accusé dans mon pays par les services spéciaux d'appartenir à une prétendue "conspiration".

 

 


4. Dans le quatrième volet de mes problèmes en Russie,
 je suis visé à cause des liens amicaux et professionnels avec des russes influents.


 

Enfin, les services spéciaux russes se servent de mes connaissances dans les hautes sphères de la Russie pour m'accuser de la haute trahison pour le compte des puissances étrangères. En effet, entre 1995 et 2000 j'ai travaillé comme conseiller et représentant pour le compte des cliniques privées suisses en leur facilitant les ouvertures sur le marché russe à travers le Centre médical de la Présidence de Russie qui a le monopole de soins médicaux pour toute la nomenklatura russe actuelle. Lors des audiences dans la prison du FSB le juge d'instruction a essayé de m'accuser de la collaboration avec les espions étrangers qui voudraient infiltrer ce "vivier" de patients très hauts placés et influents. J'ai été obligé de mettre fin à cette activité qui me faisait vivre.

...

 

Mesures de pression employées contre moi.

 

Le régime autoritaire russe a employé contre moi toute une gamme de mesures concrètes, allant des simples intimidations aux attaques plus corsées. J'ai déjà mentionné les trois enquêtes pénales instruites secrètement par le FSB, les écoutes téléphoniques, les "filatures", les perquisitions dans mon appartement et celui de mes parents. Concernant ces dernières, en juin 2000 j'ai signalé officiellement une effraction dans le domicile de mes parents à la police du quartier qui s'est limitée à prendre ma déposition sans jamais lui donner suite. Rien ne me garantissait que la prochaine fois les agents du FSB ne mettraient pas dans mon appartement de l'héroïne, des armes, de l'argent provenant d'un hold-up ou des cassettes pédophiles.

Je sentais que la tension montait et que les services secrets, qui n'avaient pas hésité à faire sauter plusieurs immeubles civils en faisant des centaines de victimes innocentes, ne s'arrêteraient devant rien s'il leur fallait. Une vieille anecdote tchékiste disait: "Si vous n'êtes pas encore en prison, ce n'est pas par ce que vous êtes innocent et vous n'avez rien à vous reprocher, mais parce que les services secrets sont laxistes ou débordés". Donc je m'attendais à des provocations d'un caractère plus bas qu'une simple fabrication d'un "noble" procès d'espion. Je faisais attention à ne pas donner de prétextes faciles, mais je me rendais aussi compte que n'importe quelle machination était possible: c'est tellement facile dans un pays où la vie humaine est complètement dévaluée et où l'on peut engagé un tueur à gages littéralement pour une bouteille de vodka ou une seringue d'héroïne.

En janvier 2001 juste la veille des nouvelles audiences à la Cour suprême du Russie consacrée à l'examen de mes plaintes où j'attaquais carrément les lois et les documents normatifs du KGB et du SVR, je suis tombé malade. Une pneumonie très suspecte qui a duré plus d'un mois. Elle était d'autant plus suspecte que je faisait régulièrement du sport (piscine, ski de fond, etc.) et me trouvais en parfaite santé. Un médecin de mes connaissances m'a fait carrément comprendre que les symptômes étaient inhabituels et correspondaient plus à un empoisonnement. On passait vraiment dans le registre des romans policiers de série noire. J'ai donc provisoirement arrêté les offensives actives contre le SVR en février 2001 et je me reposais en essayant de récupérer aussi rapidement que je pouvais. Je ne suis pas un héro qui veux à tout prix combattre le mal, en se sacrifiant en cas de besoin. "Mourir pour les idées, d'accord, mais de mort lente", chantait si sagement George Brassens. Donc, j'ai décidé de mettre provisoirement un frein à mes activités oppositionnelles.

En mars 2001, par précaution j'ai obtenu le visa annuel français et le visa suisse de transit ce qui me donnait la possibilité de partir à tout moment à l'étranger. Je ne faisais plus aucune démarche judiciaire, je n'écrivais rien, je n'actualisais pas mes sites Internet. J'ai fait une seule exception, lorsque le canal NTV a été liquidé de force par les poutinistes. A cette occasion j'ai écrit quelques lettres de soutien et protestations musclées. Mais autrement, je faisais du sport, j'allais juste dans les théâtres, je sortais beaucoup avec mes amis français, je participais à des activités associatives anodines. Néanmoins j'étais "filé" par le FSB plus que d'habitude, ce qui était signe qu'une nouvelle enquête secrète était en cours.

 

Départ de Russie et prise de la décision capitale.

 

J'ai terminé quelques affaires urgentes familiales et en prenant à l'improviste le 11 juin 2001 un billet d'avion, je suis parti de Russie. A l'étranger, loin des soucis quotidiens russes, j'ai mis presque trois mois pour récupérer réellement, physiquement et moralement. Je partageais mon temps entre la France et la Suisse. C'est uniquement à l'occasion d'une interview qu'une journaliste de l'hebdomadaire vaudois "L'Hebdo" m'a demandée, que j'aie repensé à toute cette histoire (l'article d'Agathe Duparc est paru dans le numéro du 20 septembre 2001, ainsi que dans la version Internet http://www.webdo.ch/hebdo/2001/38/pol_2.html). J'ai commencé à envisager une éventualité de ne pas repartir en Russie. En septembre 2001 je n'ai pas utilisé mon billet de retour et j'ai vu à un certain nombre de signes que ce changement subit au programme a surpris mes adversaires russes. Ils ne savaient plus quoi faire et penser, surtout parce que je gardais un secret total sur mes plans et projets, y compris par rapport aux amis les plus proches et à mes parents.

Profitant d'une accalmie je suis mis à écrire un livre autobiographique que j'ai l'intention de publier en Occident. Il y avait aussi un vague projet de collaboration avec les institutions françaises sur les recherches liées à la Russie. Cela m'a redonné le goût de l'écriture politique et en décembre 2001 j'ai publié dans le forum MSK un petit article analytique sur la création d'un parti poutiniste complètement artificiel.

Durant toute cette période depuis le juin 2001, d'un exil "doux", je suivais avec attention les évènements en Russie. Vu de loin, il paraissait évident que cela allait en s'empirant, que le régime devenait de plus en plus autoritaire et répressif. La liquidation illégale de la NTV n'a pas suffit à Poutine, qui voulait écraser toute forme de pensée oppositionnelle. Et comme c'est un être très mesquin, mais très méticuleux il a fini par liquider la chaîne TV-6 qui avait osé donner un abri aux journalistes chassés de la NTV précédemment. Tous ceux qui sont démocratiques et oppositionnels au régime risquent soit de disparaître, soit de se retrouver en prison comme des vulgaires criminels. Il m'a paru évident que je risquais de me voir incarcérer si je revenais à Moscou à l'expiration de mon visa annuel français. Je n'ai pas tellement peur de faire de la prison pour mes idées politiques et les analyses critiques que je porte sur le régime actuel russe. Mais j'ai bien peur que les services secrets russes fassent de moi un banal criminel en m'accusant d'un prétendu vol dans une boutique quelconque, d'un usage ou recel de stupéfiants auxquels je n'ai jamais touché dans ma vie ou d'un autre prétendu crime de droit commun.

Je ne veux pas non plus être la victime du récent Oukase présidentiel, en l'occurrence № 7 du 10 janvier 2002 sur la mobilisation des réservistes russes pour un prétendu complément de la formation militaire des officiers de réserve qui en réalité ne peut servir à rien dans un pays où l'on ne sait déjà pas quoi faire des sureffectifs de l'armée (j'ai écrit en janvier 2002 un article analytique sur cette tentative du régime d'utiliser les moyens légaux pour faire des pressions sur les dissidents, que je joint en annexe). Dans mon cas le mécanisme à l'aide duquel les apparatchiks peuvent me casser la vie d'une manière très élégante, serait très simple. Pendant la fameuse formation militaire qui peut avoir lieu même pas loin de mon domicile, on va m'obliger simplement de travailler, en vertu des obligations de mon grade de commandant, avec quelques documents réellement ou prétendument secrets. Il faut souligner, entre parenthèses, que la majorité de documents militaires de l'époque soviétique, complètement désuets, porte toujours la mention "confidentiel", que les fonctionnaires du Ministère de la Défense ne se dépêchent pas de l'enlever comme cela est exigé par la loi en vigueur et que les organismes de "contrôle" dans ce cas précis curieusement paraissent complètement aveugles et laxistes. Mais dans mon cas, le FSB, chargé de la protection des intérêts de État, en toute légalité – pour des raisons de la sécurité nationale, serait très certainement beaucoup plus agile suite à cette formation militaire pour m'interdire, comme à un "porteur de secrets militaires", de me rendre à l'étranger pendant la période allant jusqu'à 10 ans. Comme j'entretiens des contacts professionnels ou amicaux avec des étrangers sur le territoire russe, cela donnera un nouveau prétexte de me prendre encore sous la surveillance du service de contre-espionnage comme un "espion" potentiel. Des procès de prétendus "espions", fabriqués de toutes pièces par le FSB comme sous le temps de Staline dans les années 30 du siècle passé, sont malheureusement déjà une triste et sinistre réalité en Russie poutiniste (Nikitine, Pasko, Soutiaguine, Moïsseïev, Danilov, etc.).

Donc, toutes les analyses de la vie en Russie sous Poutine me poussaient inexorablement vers une décision capitale d'émigration forcée. La seule chose qui me confortait dans cette éventualité c'est que le monde a changé, surtout dans le domaine des télécommunications et que de nos jours, avec l'Internet je ne serais pas coupé de l'actualité russe et même de la vie active liée à mon pays d'origine où que je sois dans le monde.

En Février 2002 j'ai été contrait de rester en France et d'initier la procédure de reconnaissance du statut du réfugié politique (Convention de Genève de 1951). Cette procédure qui a duré près de 3 ans s'est terminée finalement par une décision positive. Tous ceux qui savent comment il est compliqué d'obtenir l'asile actuellement en Occident, reconnaîtrons que par ce simple fait le régime poutiniste a été encore une fois désavoué par les représentants des pays démocratiques.